Médi’Âne
Médi’âne, dans les pas de l’éthologie
Depuis 2002,
Médi’âne évolue dans le mouvement d’un réseau d’âniers, d’intervenants en médiation asine et de professionnels du médicosocial.
De nombreux âniers proposent leur espace de travail avec l’âne dans un projet social. Des institutions spécialisées viennent se saisir de cette proposition pour des projets d’accompagnement ou de relation d’aide. Les activités asines s’envisagent comme un espace ouvert à apprendre de soi, de l’autre, de l’environnement, au-delà des nécessités spéciales manifestées par un handicap.
Notre Envie De Départ Et D’aujourd’hui,
est de favoriser des moments de rencontre, pour développer une réflexion autour des pratiques en médiation asine, par le partage de nos expériences de terrain et la mise en commun de nos diverses compétences. Nos objectifs associatifs sont liés à la présence de l’âne dans le cadre des activités assistées par l’animal, au soutien des pratiques de médiation asine, et à l’organisation d’actions de recherche, de formation ou d’étude mettant en lien l’âne et l’humain.
Médi’âne Entretient, De Manière Continue,
une réflexion sur la notion de médiation et les pratiques en médiation asine. Si le loisir adapté s’envisage avec l’âne, comme un possible moment de bien-être et de lien social, les activités de médiation nécessitent un cadre, un fonctionnement spécifique, des compétences qui se relient à des projets d’accompagnement médicosociaux.
Parmi Nos Préoccupations,
l’âne a une place majeure dans la mesure où la qualité environnementale et humaine autour de lui, vont venir soutenir sa disponibilité au cours du travail de médiation. Médi’âne engage, depuis plusieurs années, une réflexion sur les particularités de l’âne dans sa mise en lien avec l’humain, son éducation, ses modes de vie, dans l’articulation au travail de médiation. La présence de l’âne donne une tonalité particulière aux activités assistées par l’animal qu’il est intéressant et nécessaire d’interroger.
Nos connaissances sur l’âne sont liées à la transmission de savoirs véhiculés par les personnes qui se sont mobilisées, dans les années 80, pour revaloriser son image et lui redonner une place auprès de l’homme, qui l’avait délaissé avec le développement de la mécanisation. Nos expériences, auprès de cet animal, nourrissent également ces savoirs.
L’histoire de l’âne auprès de l’homme est aussi source d’enseignements. Cette histoire s’est construite autour d’un quotidien de vie et de travail, principalement en milieu rural. La connaissance de l’âne s’est davantage transmise par culture orale. Cette forme de transmission privilégie continuité, fluidité dans le vivant d’une parole habitée et authentique où l’essentiel de l’utile est envisagé comme « mémorable ». Cette dimension entre en résonnance avec une parole ouverte aux vécus, aux éprouvés dans les démarches de relation d’aide. Nos rencontres avec l’association portugaise AEPGA, en région mirandaise, nous a permis de toucher à la qualité de cette culture orale, véhiculée autour de la présence de l’âne au quotidien de l’homme, culture si précieuse à livrer pour préserver la mémoire de nos racines et insuffler du sens au contemporain.
Mais Pas De Certitudes,
jamais, le vivant est à la fois complexe et singulier, c’est ainsi qu’une volonté d’ouverture vers l’éthologie s’est exprimée chez Médi’âne. Nous nous sommes aperçus qu’il y avait très peu d’études éthologiques sur l’âne contrairement à d’autres animaux investis en médiation. Nous percevions que parfois le terme d’éthologie asine n’était pas vraiment utilisé à bon escient et ne revêtait pas un véritable regard scientifique. Nous souhaitions avancer sur cette question de « qui est l’âne » car bien souvent, il est décrit au regard des différences qu’il a avec le cheval.
L’âne est persévérant, résistant et endurant. Or les activités de médiation peuvent générer des charges émotionnelles, des pressions qui nécessitent d’apporter un environnement de vie et des moments de décharges, nécessaires au bon équilibre de l’âne. Nous nous sommes mis en quête de rencontrer un éthologue qui puisse nous parler de l’âne pour améliorer ses conditions de vie et de travail, au mieux de ses besoins et de son bien-être, mais aussi, d’étayer davantage, notre mode d’approche et de mise en lien vers lui.
Grâce à l’association Keryâne, située à Eliant dans le Finistère, nous avons réalisé un weekend de travail en éthologie asine en février 2009, moment qui nous a permis de faire connaissance avec Jean-Claude BARREY, biologiste du comportement et spécialiste des équins.
Cette première étape éthologique, nous a conduits aux origines des mammifères et de la domestication des équidés pour aborder tour à tour la physiologie, la morphologie de l’âne mais aussi ses besoins, son comportement, ses compétences et les principaux traits de caractère pour éclairer son histoire de compagnonnage avec l’homme. Le caractère égocentré du comportement de l’âne (accepte les rencontres sans s’organiser socialement) questionna la quarantaine d’âniers présents, dont l’expérience mène à constater l’installation de liens relationnels des ânes, les uns par rapport aux autres.
Le caractère individualiste de l’âne, mis en avant par Jean-Claude BARREY, dans les liens s’établissant avec l’homme, souleva également de nombreuses réactions de la part de tous ceux qui vivent un travail d’alliance avec l’âne. Comment pouvoir entendre que l’âne n’agit que dans un intérêt tourner vers ses besoins ? A y regarder de plus près, nos expériences de randonnées, ne nous donnent-elles pas l’occasion de percevoir que l’âne garde un self-control sur la situation. Un âne peut passer un pont puis un autre et refusera le passage d’un troisième, car chaque pont est unique et nécessite une « réflexion » d’âne, même en compagnie d’autres congénères plus téméraires. Un âne en toute alliance avec nous, suivra avec ardeur le sentier escarpé que nous empruntons mais il l’appréhendera à sa manière et en toute sécurité pour lui-même. Dans la région du Miranda et dans d’autres régions et pays, nous pouvons remarquer, bien souvent, la présence d’un seul âne par foyer. Il semble que l’homme ait pu privilégier cette situation auprès de l’âne par observation de son comportement et de son mode de vie à l’état naturel. L’homme a moins investi l’aspect «groupe d’ânes», excepté pour certaines situations de transport de marchandises, par exemple.
Au-delà de ce bousculant changement de point de vue, de l’âne non plus grégaire mais autocentré (données liées à son comportement en milieu naturel, non domestiqué et non contraint) nombreux points d’interventions apportés par le regard scientifique de Jean-Claude BARREY, ont confirmé certains aspects chez l’âne : sa territorialité, sa grande capacité de mémorisation et d’adaptation par le mouvement et le sensoriel, ses qualités motrices l’amenant à une précision de déplacement en milieu accidenté et surtout ses décisions comportementales liées aux émotions et à l’affectivité.
Nous Avons Poursuivi Le Travail Avec Jean-Claude BARREY
car son approche objectiviste s’est mise en résonnance avec notre volonté d’initier toute séance de médiation par un temps d’ouverture à de possibles liens. Nous envisageons, avec le moins de contraintes possibles, ces premiers moments par de l’observation qui peut ouvrir à de potentiels échanges. Ces conditions sont bien souvent génératrices, par la suite, de futures interactions et mobilisations entre la personne, l’âne et l’intervenant en médiation asine.
Médi’âne a réalisé d’autres temps d’étude avec Jean-Claude BARREY. En novembre 2014 dans l’Yonne, en lien avec la structure de Frédéric CANLER, la Ferme de Rosny, s’est réalisée une session sur «L’Homme et L’Âne, Regard Ethologique». En juillet 2015 dans le Maine et Loire, en collaboration de Martine CATHELINEAU de la structure Brin d’Amour, nous avons travaillé sur «La Sensorialité et ses implications dans les comportements spatiaux ». Ces deux sessions de quatre jours, ont réuni à chaque fois plus d’une vingtaine de personnes. Notre objectif pour ces sessions est une sensibilisation à l’étude des comportements humains et des comportements de l’âne dans leur environnement physique et social naturel (facteurs internes et externes qui aboutissent à un comportement, principaux mécanismes biologiques qui sous-tendent les comportements visibles). Notre projet est d’ouvrir notre regard sur l’humain en dehors du champ psychosocial, de faciliter le travail du lien âne-humain (éviter l’anthropomorphisme, appréhender les limites du rapport entre l’homme et l’âne, améliorer l’approche de l’âne en sécurité), et de faire progresser nos moyens d’observation.
Cette étude éthologique est dense et complexe. Aussi, nous faisons le projet d’un écrit collectif afin de pouvoir mieux appréhender certaines notions nous conduisant à améliorer les conditions de vie et de travail de l’âne dans le cadre des activités de médiation. Nous avons été interpellés, entre autre, par la notion de champ détendu qui permet à l’animal des activités en dehors de ses besoins vitaux, celles de domestication et de contraintes au regard des pathologies de l’animal, la notion de Umwelt ou monde propre à une espèce pour limiter nos interprétations sur le comportement de l’animal, les notions de toucher passif et haptique, de bulle et de territoire pour une meilleure approche de l’animal, de biotope et d’écologie systémique pour ses conditions de vie.
Nous avons programmé pour mai 2016, un temps d’études sur les apprentissages au regard d’une approche psychosociale et éthologique. En collaboration de plusieurs structures en médiation asine, nous faisons également le projet d’un travail de recherche en éthologie asine avec des scientifiques du Centre de Recherche Pluridisciplinaire des Metz situé en Bourgogne
Au Cours De Ces Journées D’études,
nous avons été sensibilisés aux mots que nous utilisons pour décrire et comprendre le comportement de l’âne. Les mots orientent la pensée et donc, nos actions et nos observations. En éthologie objectiviste, le mot à bannir est « pour » car la nature n’agit pas avec une intention préalable. Il n’est pas forcément judicieux de traduire le «point de vue» d’un animal qui est fondamentalement «olfactif» dans l’appréhension de son environnement. Il s’agit peut-être d’exprimer ce que l’animal «ressent» et non pas ce qu’il «comprend ». Remplacer le mot «voir» par «sentir», nous rapprocherait au mieux de la compréhension de son comportement. L’animal «travaille avec son corps». Il peut faire des apprentissages mais n’anticipe pas. L’animal a des compétences à un niveau affectif et sensorimoteur mais pas cognitif.
La médiation est faite pour un patient, la présence d’un animal y jouera un rôle d’interface.
En médiation animale, il s’agit de faire alliance avec le vivant et l’animal présente des capacités et compétences que l’humain n’a pas.
Quelques réflexions sur l’éthologie objectiviste.
L’éthologie objectiviste se distingue de l’éthologie cognitiviste et comportementale qui ont des protocoles précis et limités dans le temps et se posent sur une question préalable de recherche. En éthologie objectiviste, il n’y a pas d’hypothèse de départ, ni d’idée préconçue et les programmes d’études se réalisent sur de longues périodes d’observations (10 à 12 ans). Ces conditions ne correspondent pas aux demandes scientifiques actuelles en éthologie. L’exemple le plus connu d’étude objectiviste est celui mené par Diane Fossey auprès des grands primates. Dans cette approche de courant éthologique, le travail inductif est majeur, « on ne sait pas ce que l’on cherche », il s’agit d’observer l’animal, durant une longue période, dans des conditions sociales normales, sans interprétation, sans contrainte, tout en tenant compte d’une classe d’âges. Un endroit le plus neutre possible sur le territoire de l’animal est choisi, pour que ce dernier se familiarise à la présence humaine, il s’agit de se faire oublier en maintenant sa présence. Par la suite, ce qui a été observé, est questionné au regard de ce qui sous-tend l’apparition des comportements, comment ils apparaissent et quelles sont leur fonction et leur qualité pour l’espèce étudiée.
En biologie du comportement, ce que nous avons perçu, est que l’évolution fonctionne davantage par un processus de hasard que par adaptation. La loi est la sélection naturelle et « l’ici et le maintenant ».
Qui est Jean-Claude BARREY ?
Jean-Claude BARREY est éthologue, chercheur et enseignant, responsable du centre pluridisciplinaire des Metz à St Sauveur en Puisaye dans l’Yonne où il coordonne plus spécifiquement l’unité de recherche en Éthologie humaine et animale. Il intervient également dans de nombreuses formations en médiation animale.
C’est un chercheur et un praticien insatiable dans le domaine de la biologie du comportement, il est l’auteur de très nombreux ouvrages et communications scientifiques dont certains dans les domaines touchant à la médiation animale comme« Thérapies avec le cheval » de la FENTAC. Récemment, il a co-écrit « Ethologie et écologie équines – Etude des relations des chevaux entre eux, avec leur milieu et avec l’homme ». Ses recherches en éthologie humaine apportent un regard particulier sur l’évolution du monde, il a participé à l’écriture de «2100, Récit du prochain siècle», «Prospective des déséquilibres mondiaux», «Vers des civilisations mondialisées» et très récemment «Culture des résultats ou culture des moyens».
A quoi nous ouvre l’éthologie ?
L’éthologie nous entraîne à regarder l’individu, homme ou animal, dans un contexte qui prend en compte la dimension de son histoire biologique, génétique et écologique, dimension qui met à l’œuvre la structuration des espaces personnels, interindividuels et sociaux.
L’éthologie conduit à mieux saisir les phénomènes (facteurs internes et externes de l’organisme) qui déclenchent les comportements de l’individu.
L’éthologie apporte un éclairage transversal de ce qui fonde les comportements et les relations intra et interspécifiques d’une espèce.
Ces relations façonnent le monde, la manière d’être au monde et d’habiter le monde du vivant.